Page:Yver - Les Cervelines.djvu/215

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n’avait jamais pénétré ; elle écrivait : elle se leva, l’introduisit aimablement, le fit asseoir et lui demanda ce qu’il y avait.

Tisserel la regardait sans répondre.

— Expliquez-vous, docteur, reprit-elle tranquillement, que voulez-vous ?

Elle demeurait évidemment plus préoccupée de sa dernière phrase restée en suspens, l’encre encore humide, que des traits décomposés posant devant elle, et du regard ardent qui cherchait le sien. Soudain elle vit Tisserel tirer de sa poche le papier bleu du télégramme qu’il jeta sur la table, sous ses yeux. Seulement alors, la curiosité l’anima : elle lut et murmura, atteinte vraiment enfin :

— Oh ! mon Dieu ! votre pauvre petite sœur !

Elle comprenait aussi que c’était la marche vers la fin qui s’accélérait inopinément. Elle s’apitoya : Elle qui n’avait jamais éprouvé la cruauté de la mort se mit à la sentir tout à coup, en pensant à cette fille charmante qu’elle avait soignée en amie, qui l’avait caressée, qui l’avait attendrie comme personne. Ses mains, ses poignets serrés dans la toile blanche de sa blouse retombèrent sur sa table de travail ; ses joues fraîches pâlirent. Tisserel, qui n’avait pas dit un mot encore, la vit ; il la vit atterrée ; il vit ses yeux superbes, si froids, se glacer d’une larme ; alors il bondit à elle, les bras tendus.

— Oh ! Jeanne, supplia-t-il ayez pitié de moi !

La minute était venue où elle allait pleurer de vraies douces larmes : du même coup, les larmes et le cœur figés, elle se leva dans son