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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/217

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— Je vous aime, Jeanne.

Elle haussa les épaules.

— Ne me dites pas cela, rien ne m’agace comme cette formule. Je ne comprends pas que des hommes intelligents puissent s’approprier cette phrase usée et stupide.

— Plutôt que ces cruautés, murmura-t-il, brisé, dites-moi quelque chose qui me console ; voyez où j’en suis !

Il était retombé, confus, amoindri, dans le fauteuil de reps vert où il cachait à deux mains son visage défait. Cette humiliation d’un homme devant elle plut à Jeanne ; la sensation d’être vraiment sa dominatrice et de l’avoir réduit calma son humeur. Elle vint devant lui, debout, se serrant des poings la taille.

— Docteur ? commença-t-elle.

Brusquement, à cet appel, il leva vers elle son visage tuméfié, enlaidi par les larmes, et il la regardait dans une extase si amoureuse qu’elle eut envie de se moquer de lui ; mais elle ne rit pas, n’étant en son fond nullement méchante.

— Docteur, je vous jure que votre peine me fait beaucoup de chagrin et que…

Il balbutia, l’interrompant :

— Mon amour !

Elle lui tourna le dos, dépitée par ce terme maladroit.

— Je vous en supplie, recommença-telle avec un frémissement d’impatience, n’employez pas ces mots ; une fois, c’est assez. C’est un ordre de choses qui m’horripile. Il y a, Dieu merci, entre un homme et une femme, d’autres sujet d’entente