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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/22

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Ils avaient gagné sa porte ; ils s’arrêtèrent face à face sur le trottoir. Alors Tisserel, que tourmentaient ses réticences :

— Pourquoi me dis-tu cela ?

— Parce que ces femmes-là sont des êtres auxquels il ne faut pas s’attacher.

— Je ne suis pas attaché à elle, reprit vivement Tisserel.

— Oui ; mais tu n’en es pas détaché non plus, c’est clair. Je te connais bien. Tu chantais tout à l’heure, tu chantais Froufrou, tu pensais à elle, tu te disais que demain, tout le temps de ta visite à l’Hôtel-Dieu, tu parcourrais les salles en sa compagnie, tout près d’elle. Et si dans l’heure actuelle quelqu’un venait te dire : « Demain, mademoiselle Bœrk n’assistera pas à votre visite, elle n’y sera plus jamais, elle est partie, » eh bien, tu ne chanterais plus. Est-ce vrai ?

— Mais ce n’est pas aimer une femme, cela. C’est tout simplement de… de l’admiration ; pas même de la sympathie, tu entends bien, je n’ai aucune sympathie pour elle.

— Leur danger, reprit lentement Cécile, c’est justement qu’on ne peut avoir d’antipathie pour elles ; elles sont bonnes. Elles n’ont pas de vices, pas de défauts souvent. Elles sont pétries de vertus, de qualités austères ; elles sont pures et réfléchies, mais ce sont des cervelines.

Puis, sur le même ton :

— Veux-tu que je te reconduise chez toi à mon tour ?

Tisserel, intéressé, se remit en marche le premier.

— Qu’appelles-tu des cervelines ?