Page:Yver - Les Cervelines.djvu/23

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— Des femmes qu’il y a maintenant, qu’il y a en masse à Paris surtout, mais en province aussi. Les romanciers ont dénoncé le danger des coquettes, le danger des aventurières, le danger des dévergondées ; mais il y a le danger des cervelines qui est peut-être le pire, parce que les autres, au moins, c’étaient des femmes. Menteuses ou vicieuses, avec des mots ou malproprement, elles nous aimaient ; elles faisaient, comme elles le pouvaient, l’acte de charité ; elles étaient des compagnes, niaises, ou perfides, ou brutales, ou méchantes, mais des compagnes. Celles-là sont des cervelles ; de belles petites cervelles, qui portent de jolies robes, des attraits, de la grâce, qui ont gardé de la femme, et de la meilleure, tout, tu entends bien, tout, sauf le cœur, et le cœur, souvent même, sauf l’amour.

— Tu n’es pas féministe, lui dit en riant Tisserel.

— Féministe ?… Quoi ? Tu penses à ces vigoureuses personnes militantes qui prêchent l’inimitié contre l’homme, en faisant état de se masculiniser, et qui empruntent des extravagances de leurs chefs de file un renom de ridicule ? Mais ce n’est pas d’elles que je te parle ; le péril n’est pas là. Il est chez celles qui sont demeurées charmantes, qui n’ont pas de système, pas d’affiliations, pas de mots d’ordre, mais qui, ayant laissé leur vie refluer au cerveau, n’ont plus besoin d’amour, tout simplement. Elles ne se marient pas ; on ne les appelle pas vieilles filles, ce sont des personnalités… on dit des personnalités, tu comprends. Elles pullulent. C’est la faute des hommes. Il y a eu un bouleversement dans l’équi-