Aller au contenu

Page:Yver - Les Cervelines.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

celine. Debout entre celle-ci et le docteur, elle grattait de l’ongle, le long de son corsage, les plis de sa blouse ; l’étincelle de colère qui s’était rallumée dans ses yeux leur avait donné leur beauté absolue, et le frémissement qui était en elle prêtait à son aspect l’illusion d’une vie qu’elle ne possédait pas.

— Voyons, lui dit Marceline, vous qui êtes si bonne, Jeanne, laissez-vous toucher. Faites le sacrifice de votre orgueilleuse liberté, vous êtes tant aimée !

— Jamais ! prononça cruellement l’étudiante : jamais je ne perdrai conscience au point de compromettre ma vie pour une folie. Je sais ce que je veux, et je le ferai toujours. Au surplus, je trouve étrange, Marceline, vous qui pensez comme moi, de vous voir… oublier un principe qui est le vôtre même.

— On peut briser ses principes si en les brisant on n’atteint que soi. Le meilleur des principes est encore de se renoncer pour les autres.

Elle exaltait Tisserel à parler de la sorte. Il se sentait fort de cette alliée que lui envoyait le sort ; cette douce voix de femme, d’une femme presque inconnue plaidant sa cause, lui donnait un regain d’espoir et de passion. Marceline, oublieuse de le longue et sceptique théorie élaborée contre l’amour, l’autre jour, avec Jean Cécile, fut témoin de ce qui devait ébranler son cœur tendre, plus que tous les arguments du monde ; elle vit Tisserel souffrir d’amour ; elle entendit prononcer les mots qui se murmurent plus qu’ils ne se disent, qui sont moins des mots que des parcelles d’âme passant au bord des lèvres ; elle vit la splendeur