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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/227

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XVI

Ce fut la veille de Noël qu’à travers la France, dans le creux des oreillers, des coussins blancs, au glissement d’un rapide, Tisserel ramena à Briois ce qui restait encore de la jolie et vitale Henriette : un petit visage fripé, sans couleurs, où ne régnaient plus que des yeux énormes ; une forme émaciée, sans poids, sans lignes perdue dans les plis de la robe de nuit, comme une longue poupée tiède qu’un enfant aurait portée. Les fièvres effrayantes avaient consumé sa vie. Il lui en demeurait encore un peu, comme dans un flacon épuisé un reste de liqueur précieuse dont les aromes légers se sont évaporés, et qui conserve en quelques gouttes tout le feu de ce qui fut sa violence. Elle existait encore sur cette parcelle de vie, comme si elle en eût possédé de quoi créer un monde ; ce n’était plus qu’une étincelle, mais elle brûlait comme un brasier. Ses membres restant inertes, son cerveau produisait et renouvelait sans cesse un travail de rêve, et son pauvre cœur flambait.

La lampe du wagon éclairait sur le blanc du drap son visage terreux, les osselets pâles et longs