Page:Yver - Les Cervelines.djvu/228

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qu’étaient ses mains. La sœur garde-malade qui la soignait s’était endormie, elle appela Paul tout près d’elle.

— Les cloches vont sonner tout à l’heure pour la messe de minuit, lui dit-elle en chuchotant et haletante ; tu me préviendras, je veux les entendre ; ce sera la dernière fois ; je ne les entendrai sûrement pas l’année prochaine.

Elle fit une pause. Elle était brisée maintenant à cette idée de la mort prochaine. Elle en parlait volontiers, sans se défendre pourtant d’un air de rancune contre ceux dont la vie triomphait.

— L’année prochaine, toi, tu les entendras sonner ; tu te rappelleras cette nuit, tu penseras à moi.

— Nous les entendrons ensemble, fit Paul douloureusement.

Mais ces mensonges ne servaient plus qu’à irriter le chagrin d’Henriette, comme un refus de comprendre ce qu’elle souffrait. Elle aurait aimé mieux le voir pleurer sur elle, que s’efforcer à cette bonne humeur qui la choquait.

— Non, dit-elle, on ne me trompera plus ; j’en ai trop rencontré là-bas, je me suis étudiée sur les autres ; je ne verrai pas l’été. Tant de gens le verront, mon Dieu !

Paul l’écoutait silencieusement, l’air impassible et le cœur tordu.

Le train fendait la mer noire des ténèbres. Dans les villages qui fuyaient au loin, en silhouettes veloutées de nuit, on commençait de voir les églises devenir transparentes et les maisons s’illuminer de points de feu. Comme l’air était adouci par un vent du sud humide et tiède, Tisserel avait