Page:Yver - Les Cervelines.djvu/229

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baissé la glace, et de temps en temps, par à-coups, stridents ou imperceptibles, au caprice de la voie sinuant dans la campagne, on entendait le bourdonnement des cloches. C’était l’universel carillon que rencontraient les voyageurs à chaque point nouveau qu’ils joignaient. Ils traversèrent lentement une ville : ce furent les vibrations sonores des bourdons de cathédrale, le concert majestueux des coups de bronze dans l’air, et l’illumination intime des foyers. Henriette murmura :

— Le réveillon qui s’apprête.

Elle pensait à cette foule joyeuse à laquelle appartenait encore ce monde dont elle était déjà détachée ; et toujours elle était hantée de ce mystère : comment tous ceux-là continueraient-ils d’être quand elle ne serait plus, elle qui se sentait porter en elle tout l’univers ! Sur sa petite joue diminuée, tendue aux pommettes, des larmes glissèrent. Tisserel n’y put tenir : il la prit à deux bras dans son oreiller.

— Je ne veux pas que tu pleures ; je te guérirai. Je suis médecin, je te jure de te guérir, je m’y engage, tu entends !

— Paul, tu sais bien que tu ne pourras pas.

— Si tu le veux avec moi, je le pourrai.

Il suffisait parfois d’un rien pour lui donner, ainsi qu’aux gens bien portants, l’illusion d’une vie sans fin. La petite chose frêle qu’elle était devenue pouvait se diluer en immenses mirages.

— Tu crois ! dit-elle vraiment.

Il ne restait plus à ses pauvres jolis yeux d’autrefois le pouvoir d’aucune expression : ils de-