Page:Yver - Les Cervelines.djvu/230

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meuraient mornes et faibles, mais Paul la sentit contre lui frémir d’espoir.

— Sais-tu lui dit-elle tout à fait aphone, j’en avais un peu l’idée quand j’ai déclaré vouloir revenir à Briois. J’aurais envie d’une consultation entre toi, mademoiselle Bœrk et monsieur Cécile. Crois-tu qu’il s’intéresse un peu à moi, ton ami ?

— C’est-à-dire que ta santé lui tient très à cœur, j’en suis sûr.

Elle ne répondit pas ; ses yeux se fermèrent ; elle eut dans ses traits une telle altération, que Tisserel qui la tenait toujours, inerte dans les coussins, eut l’angoisse atroce de la fin. Mais il se rassura en sentant sous ses doigts les battements à longues saccades du cœur, et en voyant se mouiller ses cils fermés. Elle pleurait.

— Qu’as-tu, Henriette ? demandait-il en l’embrassant aux yeux, au front, aux ondes de ses beaux cheveux que la fièvre avait assombris ; qu’as-tu ?

— Quelque chose que je ne puis te dire, Paul.

— Dis-le moi, chérie, je sens que ton pauvre cœur en étouffe. Je suis tout ensemble ton père et ta mère, je suis ton ami ; il faut me dire tout. Quelque idée te fait peur, dis ?

Elle secoua la tête.

— Je ne puis pas le dire, je ne l’ai jamais dit à personne.

La poésie de cette nuit de Noël, tragique au fond comme une nuit de Toussaint, mais dont son âme, amoureuse de la vie, n’avait senti que le charme joyeux, l’avait exaltée et passionnée. Un mariage d’impressions douces se faisait entre l’espoir que lui donnait son frère, et la sensation de S’en aller vers Briois, c’est-à-dire vers Jean,