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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/241

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Elle s’arrêta, la pensée déviée, prise d’une inimaginable distraction et ne sachant plus rien ; ses yeux, qui ne voyaient pas, s’étaient éclairés soudain et avaient vu. Ils avaient vu là-bas, dans ce coin où ils n’allaient jamais, ceux de Jean Cécile rivés à eux. Il était là ! il était venu l’entendre ! il la regardait sans qu’elle le sût ; et quand ils se furent ainsi reconnus à ce hasard des prunelles, elle sentit en elle un inexprimable contentement, qui fut presque vers lui un sourire dont nul ne vit rien, que lui seul.

Ainsi fut noué entre eux, dans cette seconde de silence, au milieu de sa pensée la plus abstraite, une espèce de mystère. De ce moment elle se reprit à parler, mais elle ne parla plus que pour lui.

— Le chrétien qui communie, dit-elle, ne peut-il pas trouver, dans cette obscure cérémonie, une expression de cette faim eucharistique dont les théologiens reconnaissent l’existence ?

Un regain d’éloquence la prit ; elle parla longtemps encore sans que personne soupçonnât quelle fatigue l’avait tenue toute une minute en suspens dans sa phrase. Elle fut gaie, amusante et spirituelle. Il courait dans l’auditoire, à l’entendre, des frémissements d’admiration. On riait délicieusement, légèrement, de ses mots charmants. Cécile le remarquait avec orgueil, avec jalousie, avec l’anxiété que tout fût fini et qu’il pût l’entendre lui parler seule, dans la rue, quand il l’aurait rejointe à la sortie.

Pendant que la foule, débordant de l’Hôtel des Sciences, s’éparpillait en stationnements de groupes, bruissante, bourdonnante, le long de l’étroite rue que borde à gauche la muraille aux