Page:Yver - Les Cervelines.djvu/242

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clochetons aériens du Palais de Justice, Marceline rapidement se faisait une trouée et disparaissait vers la rue Jeanne-d’Arc. On s’écartait pour elle ; il se faisait à son passage du silence, on la suivait des yeux…

Ce fut sur le boulevard désert que Jean, qui l’escortait de loin, l’aborda. Elle le savait proche d’elle ; elle l’attendait. Sa survenue ne la surprit pas ; elle lui tendit la main.

— Comme vous avez été aimable, docteur, de venir m’entendre ce soir ; j’en suis très fière.

— Depuis que je vous connais, répliqua-t-il, c’est un plaisir que je ne me suis jamais refuse. Vous venez à mon cours, vous ?

— J’y suis toujours à cette même place où j’ai senti que vous me voyiez ce soir.

Ils marchèrent ensemble, sans rien se dire, avec une sorte d’embarras, tout un moment.

— Je vous remercie, dit à la fin Marceline.

— Les remerciements, c’est moi qui vous les dois, fit Cécile, ce soir surtout, pour les choses adorables que vous avez dites. Je ne croyais pas qu’on pût éprouver une satisfaction telle à entendre traiter de pareilles questions par une femme. Je vous admire, mademoiselle.

Marceline ne repoussa pas le compliment qui la touchait comme nulle louange ne l’avait jamais fait. L’admiration de Cécile, dont elle sentait si bien, sous l’expression dénuée de formes, la vérité, la pénétrait d’un triomphe exquis, le seul qu’elle eût absolument goûté jusqu’ici. Elle se sentait vraiment, pour cet homme fin et secrètement mélancolique, une amitié vive, une amitié pressante, désireuse de s’avouer, d’être exprimée