Page:Yver - Les Cervelines.djvu/243

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et franchement posée entre eux. Elle le lui dit à peu près par ces mots :

— Je suis heureuse, moi, docteur, que vous ayez pour ma manière de penser cette sympathie ; j’ai cru le deviner ce soir en parlant, et moralement cela m’a été un inexprimable repos dans mon travail de parole. Il est si pénible de sentir des voiles infranchissables entre les intelligences et soi ! Je souhaite qu’entre nous il n’en soit jamais ainsi, et qu’une bonne entente dure toujours, au contraire.

Cécile ne lui répondit pas ; elle se demanda pourquoi. Ils cheminaient l’un près de l’autre, très lentement. Cette nuit de janvier était claire et gaie avec de beaux nuages d’un blanc doux, velouteux, qui voilaient presque sans cesse la lune. Il ne passait personne. Les allées sarclées s’allongeaient sous la ramure des platanes nus la lune y esquissait de temps en temps l’ombre des arbres en raccourci, et les deux jeunes gens piétinaient alors dans ce réseau noir, irréel, des branches enchevêtrées. Ainsi se tendaient traîtreusement sous la marche de leurs cœurs, d’artificiels obstacles.

Ils allaient atteindre la maison de Marceline. Jean fit rêveusement :

— L’entente absolue…

Elle crut alors qu’il faisait allusion à ses convictions religieuses qu’il ne partageait pas : ce qui serait toujours entre eux une divergence.

— Je l’espère, cette entente, dit-elle. En tout cas, sous certains aspects différents, combien souvent les âmes sont proches ! Vous êtes, monsieur, inconsciemment religieux ; il y a en vous une piété