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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/244

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innée ; vous connaissez Dieu sous un autre nom que nous, que moi ; pour vous c’est le Bien, et vous le servez. Je vous crois bon. La bonté, c’est la piété. Voyez comme nous pourrions nous entendre.

Ils étaient arrivés ; elle lui dit adieu. À quoi tenait que ce soir, quoi qu’ils dissent, quelque chose d’eux-mêmes allait plus loin que leurs paroles ? Marceline souriait, lui tendit la main. Cécile la regarda et dit :

— Je vous admire.

Et elle trembla si fort qu’elle eut peine à mettre dans la serrure son étroite clé. Elle pensa en montant l’escalier : « Comme ce cours m’a fatiguée ! je ne suis pas capable de lire une ligne ce soir. » Elle gagna sa chambre et se débarrassa lentement de sa toilette de ville. Une fenêtre plongeait dans une espèce de jardin, fermé de maisons hautes, et qui paraissait ici profond et sombre dans la demi-nuit. Elle vint y songer à cette conférence, qu’elle sentait sa meilleure. « Qu’ai-je pu dire ce soir, se demandait-elle, qui lui ait tant plu ? » Elle se remémorait ses mots, ses évocations, l’idée et l’unité qui présidaient à sa causerie. Et toujours lui revenait l’avertissant souvenir de l’adieu de Cécile ; ce « je vous admire » si étrange qu’il avait dit, les yeux levés sur elle. Parfois une idée lui venait, qu’elle repoussait comme ridicule : « C’est un intellectuel, j’en suis une autre, et voilà tout… », se disait-elle.

Le lendemain matin, le courrier lui apporta la réponse du vieil ami auquel elle s’était adressée :

« Ma chère enfant, lui disait-il, j’ai voulu voir plusieurs personnes au sujet de ce que vous me