Page:Yver - Les Cervelines.djvu/247

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vie, mitigée de travail, de fortes satisfactions mentales, et de douces sympathies qu’elle sentait autour d’elle plus qu’elle ne les nommait.

Elle répondit au vieil ami par une lettre vague, qui semblait n’être pas signée par sa main si ferme et décisive. Elle ne s’y engageait ni ne se reprenait ; elle remerciait du bon vouloir dont elle profiterait en temps utile. Et quand la lettre fut partie, son existence ainsi fixée à Briois lui parut délicieuse comme jamais. Les petites lycéennes la trouvèrent ce jour-là pleine d’une joie intérieure qui lui faisait tenir des propos amusants dont elles riaient de toutes leurs forces. L’après-midi, elle donna ses leçons activement, sans distraction ; elle avait, établie au fond de toutes ses pensées, une de ces gaîtés puissantes, comme en donne parfois, sans qu’on sache pourquoi, une radieuse journée de printemps. Il pleuvait…

Quand elle se retrouva seule le soir, en sa salle d’études, les coudes posés au grand bureau, elle ferma les yeux et revit Jean Cécile lui dire, à la porte, l’autre nuit — l’expression de ses prunelles. timides si grave, si belle :

— Je vous admire !

Alors son cœur se gonfla d’une bonté, d’une charité grisantes ; elle sentit que de toutes ses espérances, de ses projets, de ses joies, des règles de sa vie, d’elle-même, elle pourrait faire sans pompe, et très obscurément, le don complet à ce cœur d’homme qui éveillait en elle les suaves tendresses inconnues. De ce qu’il n’était ni célèbre, ni très brillant, elle tira un délice de plus à immoler tout ce qui, jusqu’ici, lui avait été si orgueil-