Page:Yver - Les Cervelines.djvu/260

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des formes inimitables pour les meubles. Dans la rue on le voyait s’arrêter, flaner longtemps aux vitrines d’ameublement. Il s’attendrissait à la vue des armoires où elle ramasserait peut-être, avec le soin pieux qu’y mettent les femmes, les linges blancs de son trousseau ; les toiles fines précieusement brodées, toutes ces coquetteries intimes et cachées que, médecin, il connaissait si bien ! Son choix s’arrêtait toujours sur une forme, un bois nouveaux. Il voulait le lit sombre, paré de graves sculptures. Il n’en trouvait pas qui méritât le repos de son amie. Il s’inspirait à son insu du style et du goût qu’il avait vu régner rue de la Pépinière chez Pierre Fifre. À la fin, comme rien ne le contentait à Briois, il écrivit à un architecte de ses amis de lui dessiner des formes d’ameublement pouvant convenir « à une personne très éprise de la civilisation, de l’imagination et de la forme antiques des Grecs ».

Puis il s’agissait en même temps d’établir vite, officiellement leur condition de fiancés, de l’établir même à leurs propres yeux, pour lui permettre ces aveux de passion qui étreignent le cœur des hommes. Il avait reçu de son ascendance bourgeoise un sens excessif des convenances contre lesquelles jamais il ne serait allé. Dès le lendemain du jour où Marceline, si franche et si vraie, lui avait fait l’adorable confession : « Je ne suis pas une Cerveline, » il résolut de se rendre chez ses parents et de leur confier, son projet de mariage, pour qu’ils eussent à faire la démarche de la demande conventionnelle. Il pensait les surprendre, peut-être même les réjouir à la perspective de sa vie ainsi fixée près d’une per-