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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/265

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contemplent. Je l’étudie, sans quelle le sache, depuis six mois, cette âme-là ; je l’ai approfondie, interrogée, creusée, et je l’admire ! Vous-même, si prévenue, mais si loyale et si bonne, maman, vous l’admireriez aussi, elle vous prendrait comme elle m’a pris, si fort, que mon avenir maintenant, c’est elle, ou alors…

— Ou alors ? demanda la mère exaspérée, ironique et froide.

— Ou alors je m’en vais je ne sais où, et je ne reviens plus…

Intelligente et terriblement sensée, elle mesurait en silence, dans l’être de son fils qu’elle connaissait si bien, le ravage de cette passion. Elle avait trop de sang-froid pour éprouver beaucoup de pitié devant ce tourment très inconcevable à ceux qui ne l’endurent plus ; mais en revanche, elle ressentait toute la colère qu’un pareil aveu devait lui inspirer. Elle dit, en modérant ses termes pour conserver plus de force :

— Les reproches que j’ai à faire à mademoiselle Rhonans ne sont pas en eux absolument graves. Ils le deviennent relativement à ce qu’elle est désormais pour toi. Je n’aime pas les femmes si instruites. Elles ne sont pas dans leur voie. Celle-ci a fait trop parler d’elle ; pour un professeur c’est de la renommée, mais pour une femme d’intérieur, c’est quelque chose d’inconvenant. Quoi ! Une jeune fille dont le nom est sur tous les murs comme celui d’une actrice, qui se donne en spectacle deux fois la semaine dans un lieu public, qui pérore devant une assemblée à laquelle il est loisible à tous les hommes d’aller se mêler pour l’admirer comme tu dis, cette jeune fille-là devien-