Page:Yver - Les Cervelines.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

songes raisonnables et beaux ! Elle était maintenant rongée par l’anxiété de l’attente, en pensant à la lettre que le matin lui apporterait, et, jusqu’à l’heure du courrier, son agitation ne lui permit de rien faire.

Mais, au lieu de l’apaiser, cette lettre ne fit qu’aggraver son trouble. Jean l’avait écrite la veille, avant d’avoir fait à ses parents cette visite où ses prières les avaient décidés à se rendre à la conférence du soir. Il ne savait encore rien de leur résolution et, par prudence, avait omis de parler d’eux.

« Mon amie, lui disait-il, car insensiblement l’amour était venu à s’exprimer dans leurs lettres sans que le verbe en fût jamais tracé, j’ai pensé à vous tout le jour en faisant mes courses insipides. J’ai pensé aux choses lumineuses et savantes que vous nous direz ce soir, et je me suis demandé s’il était vrai que nous puissions enfin nous revoir, fût-ce sous l’apparence indifférente que nous devrons garder encore aux yeux du monde, jusqu’à ce que puisse être dévoilé au plein jour le grand secret qui fait que vous n’avez pas dédaigné un pauvre être tel que moi. Puissiez-vous ce soir, en parlant, sentir que le plus indigne de vos auditeurs est le plus dévoué, le plus à vous, le plus admiratif de vous, de votre merveilleux savoir, de votre talent, de votre bonté. »

Elle finit par deviner qu’il existait quelque obstacle à cette union dont il n’effleurait jamais le sujet, et qui pourtant jusqu’ici lui avait paru certaine entre eux. Son esprit positif et bien ordonné pouvait difficilement endurer l’incertitude et les choses mal définies. Qu’étaient-ils l’un