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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/275

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à l’autre jusqu’aujourd’hui ? Et elle reprenait les lettres de Cécile pour les analyser, y rechercher un mot qui établit clairement leur situation exacte. Elle ne le trouva pas. L’aimait-il seulement ? Il ne l’avait jamais dit : elle discuta terme à terme avec elle-même ces missives maladroites, où il se défendait seulement d’être digne d’elle : pas une ne pouvait servir de base à une certitude d’être aimée.

Ce fut un nouveau tourment, un doute épouvantable. Le sentiment de Cécile pour elle pouvait s’interpréter par une admiration qui n’était pas faite pour l’étonner, car elle continuait de recevoir par intervalles de ces lettres anonymes où ses auditeurs enthousiastes ne se retenaient pas de lui transmettre des hommages passionnés, dont le style ne différait guère de celui de Jean. Alors, tout ce qu’elle avait si tendrement dit de son côté lui devenait d’un souvenir intolérable, et elle résolut, dans une telle alternative, de ne pas écrire aujourd’hui.

Le temps n’était plus où parmi des pensées cruelles, le travail lui pouvait être de quelque secours. Le travail lui était à charge désormais. Elle manquait non seulement de goût et de courage, mais de la faculté même de travailler. Ses élèves l’observaient curieusement, distraite, nerveuse, absente de tout comme elle était, et les yeux rougis.

Le second jour elle reprit sa plume, d’une main si tremblante que l’écriture en était méconnaissable.

« Pardonnez-moi, disait-elle, cher monsieur et ami, de n’avoir pas répondu dès hier à votre