Page:Yver - Les Cervelines.djvu/276

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lettre. Il m’est très agréable de correspondre souvent avec vous, mais vous savez si mes travaux sont impérieux ! Il se pourra quelquefois qu’un devoir à corriger l’emporte sur la lettre que j’avais à vous écrire. Vous ne m’en voudrez pas ; notre amitié, où je prends tant de plaisir, est plus forte, Dieu merci, que ces petits accidents involontaires. Quant à la cacher, comme vous le dites, pourquoi ? Certes, j’ai beaucoup de respect pour les convenances mondaines qui sont de bon aloi, mais je n’éprouve pas autre chose que de la fierté, soyez-en sûr, à penser que vous voulez bien être du nombre de mes amis. Quoi qu’en pense même votre modestie, je m’en fais gloire et vous traiterai ouvertement comme tel. Ce sera de pouvoir jouir d’agréables conversations, d’échanges d’idées, et de conversations utiles, le meilleur moyen. »

Elle pleuvait amèrement de devoir faire rentrer dans les bornes d’une simple camaraderie intellectuelle les choses délicieuses auxquelles depuis quelques jours elle goûtait. Mais de plus en plus, s’influençant de ses propres réflexions, elle se disait qu’il fallait, de leur sorte de liaison, écarter toute idée d’amour, et elle se gourmandait, passant, à regretter ce qu’elle avait espéré et à le déprécier en même temps, les plus cruelles heures.

Cécile ne répondit pas à cette lettre. Elle en avait secrètement espéré une réfutation irritée et vibrante. Ce silence lui fit plus de mal que tout. Ce jour-là, elle arriva au lycée si déprimée et défaite, qu’une petite amie vint lui dire : « Qu’avez-vous ? » Elle pensa éclater en sanglots ; et elle se