Page:Yver - Les Cervelines.djvu/278

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Elle le sentait épouvanté de ce qu’il venait d’avouer, confus et craintif, se croyant très peu de chose auprès d’elle, profondément humble. Elle lui donna sa main :

— Votre fiancée ? dit-elle avec une loyauté tendre ; supposez alors que je la sois. Ils se recueillirent en des minutes de silence qui leur firent faire dans l’union plus de progrès que les mots les plus cherchés et les plus sincères. Contemplatifs, ils l’étaient un peu l’un et l’autre, ils s’exaltèrent dans une sorte d’ivresse d’âme. Quand ils s’en réveillèrent et que, sans timidité et seulement confiants l’un en l’autre, leurs regards purent se croiser, ils comprirent qu’une alliance était déjà faite entre eux, une sorte de parenté d’êtres voués l’un à l’autre, qui n’ont plus honte des sincérités entières. Et comme, fût-ce en amour, l’amour-propre est encore le maître sentiment, Marceline posa de suite la question qui lui tenait le plus au cœur depuis ce qui lui était arrivé de fâcheux à sa dernière conférence.

— Qu’avez-vous pensé de moi samedi en m’écoutant ?

Ce que je pense chaque fois que je vous vois ou vous rêve : que nulle femme n’est digne d’être aimée que vous.

Elle éprouvait qu’il était adorable d’entendre ce qu’autrefois elle eût trouvé si plat ; elle en dégusta le savoureux bonheur, puis ajouta :

— Je me suis égarée en parlant ; j’ai perdu pied, qu’a-t-on pu dire dans la salle !… c’est la première fois. J’avais le cerveau un peu fatigué.

— Vous avez dit des choses charmantes, seulement vous n’en avez pas dit assez ; je ne voudrais