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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/280

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des circonstances les plus normales de la vie, ont été effrayés, Marceline, quand je leur ai parlé de vous, qui êtes si grande, si lointaine de leur existence bourgeoise. Comme ceux qui n’ont jamais quitté leur terre, ils ont été troublés par la distance qui les éloigne de vous, fille d’une terre intellectuelle étrangère. Vous êtes cette bru étrangère, en effet, qui terrifie les mères.

Choyée de tous, admirée et fêtée comme elle était, la sensible Marceline, dans son orgueil secret, reçut la cruelle blessure.

— Vos parents me détestent ! fit-elle sans pouvoir dissimuler son amertume.

— Ils ne connaissaient pas votre personne qui m’est chère, mais ils connaissaient votre nom dont la réputation les éblouit. Sous votre nom de savante j’ai voulu leur faire connaître Marceline, celle que j’aime. Ils sont allés vous écouter samedi, ils étaient à la conférence.

— Ils étaient à cette conférence ? fit Marceline rougissant de honte.

— Ils vous ont vue, mon amie ; mon père était là, devant vous, sans que vous le sachiez ; une heure durant, ma mère vous a regardée ; elle savait ce qui lie — et de quelle manière ! — son fils à vous. Que voulez-vous, elle s’est émue à vous voir, à vous entendre, à vous connaître, mais elle sent dans votre âme des abîmes insondés. Simple marchande et d’instruction rudimentaire, elle voit en vous bien plus un phénomène, une anomalie, qu’une femme.

— Une Cerveline, comme vous dites, reprit-elle.

— C’est cela ; une Cerveline incapable de ten-