Page:Yver - Les Cervelines.djvu/281

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dresse ou de dévouement, dont la seule science peuple l’âme, ayant distillé l’orgueil là ou règne le doux abandon de la femme, la Cerveline dure, cruelle, volontaire… Hélas ! les créatures comme mademoiselle Bœrk ont gâté le métier de femme savante, elles ont créé le type auquel on les mesure toutes. Mes parents n’ont pas su concevoir quel être pondéré, à l’équilibre admirable, vous demeuriez, vous. Ne leur en veuillez pas.

— Je les comprends, dit Marceline attristée. Je l’ai pensé et senti souvent ; au milieu de tant de sympathies qui me pressent, je suis une solitaire !

Cécile tressaillit ; cette phrase-là : « Je suis une solitaire ! » avait réveillé dans son souvenir l’écho de la même phrase prononcée jadis sur ce même ton par Eugénie Lebrun. Comme elles s’étaient rencontrées toutes deux, l’authoress légère et charmante, l’impitoyable et jolie Cerveline, avec sa fiancée pleine de tendresse. Pourquoi ? Avaient-elles donc une parenté secrète d’esprit ? Il en eut froid au cœur.

— Vous l’avez été, vous ne le serez plus, murmura-t-il.

— J’ai bien peur, dit-elle, si jamais les obstacles qui nous séparent tombent un jour, de vous emporter dans mon désert.

— Le rêve de tout homme qui aime vraiment ! finit-il.

Ils fermèrent les yeux. Des choses vaporeuses, des idées d’évasion vers les sphères recueillies, les idées que caressent tous les amoureux, passèrent en leur cerveau. Le monde s’écarterait de ces deux êtres singuliers, trop séparés de lui par