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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/283

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Ils l’avaient sondée, accusée, disséquée. Ils avaient abordé — tout rêve et toute poésie mise à part — la question du mariage, et Mme Cécile avait alors posé cette condition à l’estime et à l’approbation qu’on demandait d’elle pour cette belle-fille imprévue :

Lui as-tu demandé si, une fois en ménage, elle renoncerait à ce qui jusqu’à présent a fait sa vie, et que tu devras absorber, toi, Jean ? C’était la plus sagace et la plus irréfutable logique. La seule épreuve à laquelle on pût connaître ce que recélait vraiment de puissance d’aimer cette femme d’exception, Jean n’aurait pas trouvé dans son amour l’implacabilité nécessaire pour la formuler. Il adorait Marceline comme il l’avait connue, son activité mentale de maîtresse de sciences faisant corps avec elle, parachevant sa personnalité ; il ne l’en aurait pas dégagée. En devenant sa femme, elle continuerait d’être la savante qu’il vénérait trop humblement pour rien exiger d’elle, hors le don de son amour. Mais la mère avait raison. Médecin établi et de clientèle riche, il ne pouvait avoir pour femme une institutrice. Il y a dans le monde une foule de lois subtiles ou ridicules qui forment ainsi, sans qu’on sache au juste pourquoi, une fatalité. Exiger de Marceline le renoncement à sa carrière, c’était lui faire avouer le plus grand, le plus démesuré, le plus touchant amour. L’avouerait-elle ?

— Et alors, dites, Jean, qu’a-t-elle répondu ?

Il sentit tellement impossible envers cette créature de majesté et de grandeur cérébrale, la mise en demeure brutale : « Si vous voulez que je vous épouse, oubliez ce qui fut votre joie et votre rai-