Page:Yver - Les Cervelines.djvu/285

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— Mon Dieu ! frémit Cécile tout haut, si je devais ne pas vous obtenir !

Et il était si terrifié qu’elle eut de lui une pitie véritable.

— Ayez confiance, lui dit-elle, Dieu a dû nous concevoir l’un pour l’autre.

Et, pour sceller ces fiançailles idéales que son esprit religieux surajoutait aux autres, elle se fit embrasser de lui pour la première fois en lui disant :

— Vous serez toujours le seul pour moi, mon ami, dans le futur comme dans le passé.

Ce coup de bonheur le grisa ; il laissa échapper cette phrase qui, tout ambiguë qu’elle fût, devait être à Marceline comme la clé de ce qu’il lui dérobait :

— C’est de vous seule désormais que j’ai à vous obtenir.

— Mais puisque vous avez ma promesse, Jean ?

Il ne répondit pas.

Il la quitta presque silencieusement. Ce silence travailla en elle dès qu’il fut parti. Pourquoi avait-il dit « C’est de vous seule que j’ai à vous obtenir ? » Intuitive comme elle était, elle ne tarda pas à venir sur la voie de la vérité ; sans se l’exprimer absolument, elle soupçonna cette pensée de l’implacable commerçante qui désapprouvait si fort l’intellectualité excessive : lui faire renoncer à sa carrière.

Elle était à ce moment à sa table de travail, ayant devant les yeux une liasse de devoirs à corriger concernant la guerre de Trente ans. Elle était déprimée et fatiguée, sans goût, à l’heure où la prenait la partie la plus infime de son tra-