Page:Yver - Les Cervelines.djvu/292

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tous les détails ; elle mettait à son discours de la fièvre, de la passion. Jean Cécile était confondu ; la glorieuse science de cette admirable Rhonans condamnait tellement la demande qu’il avait osé faire…

Ils se retrouvèrent comme le premier soir sur le boulevard désert ; il s’approcha d’elle doucement ; elle l’accueillit d’un regard sans lui rien dire. Elle avait le cœur si gonflé, qu’au premier mot, lui semblait-il, elle eût éclaté en sanglots. Jean n’osait pas parler non plus, comprenant plus qu’à demi ce qu’elle souffrait. Ils marchaient silencieusement, ayant tous deux un sentiment de reproche mutuel intolérable. Quand ils eurent gagné la porte de Marceline, elle dit :

— Allons encore un peu plus loin, voulez-vous ? j’ai à vous parler.

Elle prononça si froidement cette phrase que Cécile en eut un frisson de peur.

— Tant que vous voudrez m’accorder la joie de marcher à vos côtés, fit-il éperdu, j’irai, j’irai au bout de la terre.

— Il s’agit de parler sérieusement, mon ami, reprit-elle ; le moment n’est pas au madrigal. J’ai reçu votre lettre tout à l’heure… vous me faites bien souffrir ; je dirai plus, même : vous m’affolez. Ce que vous me demandez m’épouvante tellement que je ne puis mesurer quelle plaie fera en moi ce sacrifice. Je ne vois plus clair. Renoncer à mon métier !…

— Vous m’en voulez, Marceline ? dit-il douloureusement.

— Je ne vous en veux pas, mon ami, je sais que cette exigence ne vient pas de vous ; je donne