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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/295

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à vous écrire ce que j’ai osé vous écrire ce matin, vous ne me repoussez pas, vous ne me haïssez pas ?

— Cher ami ! vous haïr quand vous me faites souffrir si involontairement ! Mais, croyez-moi : j’ai l’habitude de ne céder jamais à ce qui peut être un entraînement, et de n’écouter que ma raison qui parle par la réflexion. Je veux écouter cette voix-là. Pendant une semaine, ne nous voyons pas. Je penserai à ce que nous venons de nous dire ici. Ainsi le sacrifice que je vous ferai sera bien réellement pesé et voulu. Vous reviendrez alors me voir chez moi, et vous pourrez dire à votre mère si votre fiancée vous préfère encore ses livres.

Ils avaient gagné, sans s’en apercevoir, la partie la plus haute de Briois ; ils se retournèrent et contemplèrent la ville endormie. C’était une silencieuse plaine noire où le dessin velouteux de quelques édifices s’enlevait çà et là, au-dessus du moutonnement indistinct des toits. De droite et de gauche, la ligne des collines fuyait dans les ténèbres, pareilles aux berges d’un lac immense. Il régnait dans cette nuit de province, au-dessus du sommeil de cette ville, une inexprimable paix. Jean et Marceline pensèrent que là serait le lit de leur vie, toute ambition, tout désir de gloire écartés. Ils y vivraient en se refaisant à la mesure même de leur bonheur permis, reprenant à leur profit, et comme à l’encontre d’eux-mêmes, l’existence traditionnelle de leur ascendance.

— J’étais ici un matin, dit Cécile rêvant tout haut ses réminiscences ; c’était un matin d’octobre dernier ; comme nous nous retournons aujourd’hui,