Aller au contenu

Page:Yver - Les Cervelines.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sensibilité et de faiblesse, que rien n’émouvait à faux, qui ne connaissait pas d’impressionnabilité nerveuse, et qui, dans l’impérissable instinct de femme demeuré au fond d’elle-même, risquait la mort pour donner à ses petits malades une caresse, c’était la révélation d’une âme d’exception, mais riche et belle. Marceline l’admirait.

— Vous faites bien, dit-elle, en cachant son émotion qui n’aurait pas plu à Jeanne, vous êtes bonne.

— Ils ont de gentilles frimousses, parfois, reprit l’étudiante avec une sorte d’abandon, et se complaisant dans ces souvenirs auxquels elle s’attardait ; j’ai soigné les semaines passées un petit homme de cinq ans qui a failli me mourir trois fois dans les mains ; il s’en est tiré tout de même avec la trachéotomie ; j’ai rarement vu d’enfant si joli ; d’extraordinaires yeux noirs et des boucles ; on voit de ces têtes-là peintes dans leurs églises… Il ne voulait plus quitter l’hôpital ; le jour du départ il s’accrochait à ma blouse…

Elle ne dit pas un mot du chagrin qu’elle avait eu à se séparer de cet enfant pour qui un attachement visible s’était emparé d’elle ; mais elle étonnait Marceline et la touchait. Les enfants, l’amour des enfants, c’était une signification de la vie, et une explication de cette autre chose qu’on nomme seulement « l’amour ». L’amour des enfants tient aux femmes lieu de tout quand s’est évanoui l’enchantement de l’amour qui en était seulement le prélude, le nécessaire et alléchant mirage. Pourquoi l’une et l’autre s’inquiétaient-elles si peu de la maternité ? Pourquoi