Page:Yver - Les Cervelines.djvu/305

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n’avait-elle pas vu ce mot au premier plan dans la perspective de son union avec Jean ?

— Vous aimez les enfants, demanda-t-elle aussitôt à Jeanne ; est-ce que cette idée d’en avoir qui fussent les vôtres ne vous est pas venue quand monsieur Tisserel vous a demandée ?

— Je n’ai pas besoin d’enfants qui soient miens, répondit l’étudiante. Je vois où vous voulez en venir ; vous êtes une philosophe et une historienne, vous envisagez toujours la vie d’une façon théorique et les êtres selon leurs fonctions dans l’engrenage de la société. Il vous faut que chaque rouage marche. Merci. Je me défends d’être un rouage, je fais d’abord ce qui me plaît, et je me moque de ma fonction sociale. La femme doit être mère, n’est-ce pas ? Je la connais, celle-là. Mais suis-je libre, oui ou non, de choisir la vie qui me convient ? Je suis comme vous, je ne comprends pas les inutiles, et au fond, j’appartiens un peu à votre système. Mais pouvez-vous dire que je sois une inutile ? Est-ce que je n’ai pas ma fonction sociale ? Et si j’avais des enfants qui fussent miens, ainsi que vous le dites, soignerais-je ceux des autres comme je le fais ? Pour un enfant que je mettrais au monde, combien en laisserais-je mourir de ce croup qui vous épouvante ! Moi, ma chère, sans mari et sans enfants, je me trouve une femme absolument complète, et si vous le voulez, quoique je m’en inquiète fort peu, dans l’engrenage social, j’estime que je fonctionne admirablement. Quoi je fournis chaque jour huit à dix heures de travail à des études qui portent sur le soulagement de l’infirmité humaine, de mes mains j’opère et soigne les malades, je les guéris, je cherche