Page:Yver - Les Cervelines.djvu/307

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veline est une exclusive plus simple, elle ne reçoit de loi et de vie que de sa tête.

— C’est une sans cœur alors, comme moi, dit gaîment Jeanne.

Marceline ne répondit pas. La différence qu’elle venait d’énoncer entre la cérébrale et la Cerveline était celle-là même qu’elle croyait exister entre son amie et elle. Elle cherchait désespérément à accorder la cérébralité puissante qu’elle se sentait et la tendresse qu’elle portait au fond du cœur.

Tranquillement et sans subtilités, l’étudiante dit :

— Il faut toujours que dans un être quelque chose prédomine ; chez moi, je sais bien que c’est le cerveau ; soit dit sans méchanceté, chez ce pauvre Tisserel, je crois bien que c’est plutôt le cœur, car je le reconnais, il est bon à tuer, il l’est trop ; il m’horripilait.

— Croyez-vous donc que pour aimer il faille n’être pas intelligent ? demanda Marceline.

— Comme il faut toujours que quelque chose prédomine, ma chère, quand c’est le tour de l’amour ce n’est plus celui de la pensée ; il me semble que je ne dois rien vous apprendre. Vous n’avez qu’à écouter ce que se disent des amoureux pour vous édifier là-dessus : D’ailleurs, le fait de se laisser prendre à l’amour, qui n’est qu’un piège tendu par la loi de la race, ne suppose pas une cérébralité très consciente, très maîtresse d’elle-même.

— On peut pourtant, reprit Marceline, très consciente en réalité du leurre qu’est la passion, y céder en toute lucidité, pour y chercher loin