Page:Yver - Les Cervelines.djvu/308

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au delà du plaisir transitoire qu’elle offre, un nouvel état de vie, l’association, l’accomplissement du vouloir de Dieu… vous diriez, vous, du destin. Je pense au mariage, qui n’est pas en soi une faiblesse, mais un acte. Une créature, toute cérébrale qu’elle soit, peut et doit se marier.

— Historienne ! Philosophe ! Toujours la fonction du rouage, n’est-ce pas ? et l’engrenage social ? Mais, ma chère, je vous l’ai dit, je pense comme vous, tout le monde pense comme vous et ce que vous dites est l’évidence. Seulement il existe des êtres d’exception partout. Je crois bien, grand Dieu ! qu’il faut se marier, que tout le monde se marie ! Mais — attendez — sauf ceux dont la fonction est ailleurs. N’ayons pas de fausse modestie ; des femmes comme vous et moi ont autre chose à faire que de fonder un ménage ; nous devons être assez lumineuses pour rendre, en ce sens, service à nos semblables et payer notre dette à la communauté humaine. Est-ce bien dit ? De sorte que, pour nous, l’amour serait sans excuse, puisqu’au lieu de se présenter sous la forme d’un devoir, il ne ferait que nous arracher à notre mission naturelle qui est purement intellectuelle.

Les velléités qu’avait eues à plusieurs reprises Marceline de se confier à cette unique amie, de lui conter les chagrins indéfinis, les mélancolies, les inquiétudes, les troubles qui la possédaient depuis qu’en secret elle aimait, tout ce besoin d’expansion qui est une des bases de l’amitié fut irrévocablement refoulé sous les paroles de Jeanne. Elle eut honte d’avoir aimé Cécile. Le charme de sa liaison naissante avec lui, les entre-