Page:Yver - Les Cervelines.djvu/319

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mystérieux se passa. Henriette le regardait maintenant sans souci de sa laideur grossière, sa foi se transmettait à elle comme une chaleur ; elle avait vu d’une manière incorporelle en lui une force qui n’était ni du génie, ni de l’intelligence, ni de la démonstration, et pourtant si manifeste, qu’elle la sentait venir en elle à son tour ; une force énorme, faisant unité avec toutes les croyances, tous les cultes, toutes les religions du présent, de l’insondable passé humain, et de l’avenir, une force telle que, niée, elle laissait poser sur l’humanité le ridicule d’une universelle et formidable erreur, une force qui était Dieu dans ce curé vulgaire qui le possédait et le produisait plus qu’un autre, en aimant.

— Oui, prononça-t-elle dans cet inexprimable contentement qu’est la paix religieuse, je sais que je vais à Lui.

C’était la montée subite de son âme sur ce terrain où s’établit la pérennité de la jouissance d’être.

Alors elle se confessa.

— Je ne vis plus beaucoup depuis quelque temps, dit-elle les mains jointes ; ce que j’ai fait de mal, je ne le sais plus. Je n’ai pas assez aimé Dieu, et j’ai trop aimé un ami qui m’est cher, qui m’est trop cher, que j’aime encore, mon Père, en cette minute où je vous parle, de toutes mes forces.

Il réfléchit un instant :

— Aimer…

La lampe unique, loin du lit, éclairait faiblement la chambre ; malgré le pimpant et le léger qui accrochait de-ci de-là, au coin d’une glace,