Page:Yver - Les Cervelines.djvu/320

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au dossier fin d’une chaise, aux peintures mêmes des étoffes à sujets, des nœuds de ruban ; malgré la gaîté mythologique des choses et le sans. souci juvénile qui s’accusait partout, cette chambre d’Henriette mourante se remplissait d’une atmosphère auguste et silencieuse. On y parlait de plus en plus bas, à mesure que s’éteignait davantage le diapason de la voix joyeuse. Ce fut ici, pour le seul cœur de cette enfant qui en allait emporter le secret, que celui qu’on appelait « le gros curé du faubourg » improvisa presque timidement, cherchant ses mots, et doutant de soi, cette thèse sur l’amour, cette suave doctrine dont il ne soupçonna jamais lui-même la magnificence.

— Si vous avez aimé vraiment, lui dit-il, je ne vous en condamnerai pas. Aimer, ce n’est pas un crime. Que dis-je, mon Dieu ! c’est une vertu, la plus grande, la plus noble. Aimer ! Seulement, que de sens, que de sens auxquels le monde donne ce nom unique d’amour ! Aimer, ce n’est pas vouloir jouir, mon enfant ; aimer, c’est donner son cœur, et quand on dit : donner son cœur, cela signifie, vers celui qu’on aime, comme une respiration constante de sacrifice, l’offrande perpétuelle de la vie devenue don. Aimer, c’est bien plutôt souffrir que jouir ; l’amour est une vertu : il ne faut pas la subir, mais la pratiquer. L’amour n’est point passif, mais actif. Quand le mariage consacre l’amour, on voit alors parfois ce qu’il peut devenir. Mais, hélas ! qui sait aimer ? Il y a une formule dans la foi qui a réglementé cette vertu comme une autre. Il faut que l’homme et la femme s’aiment comme le Christ et l’Église. Dans