Page:Yver - Les Cervelines.djvu/329

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serait accordé d’avance… Les études que vous projetez sur l’antiquité peuvent prendre de votre valeur propre, une haute importance. Je ne m’étonnerais pas que certains de ces messieurs le conçoivent. Il existe des bourses de voyage, et s’il n’en était pas, vous êtes de ces personnes pour qui l’on en créerait aisément »

Partir songeait-elle ; partir dès maintenant pour là-bas ! Je le puis ; je n’ai qu’à le vouloir. Le bien-être de ces grands travaux, la magie de voir ce qui fut mon rêve, Tyr et Sidon !

Un frisson d’enthousiasme l’enlevait à elle-même. Et l’image fâcheuse de Jean revenait aussitôt. Si timidement, si humblement, cet ami très cher avait pris en elle la prédominance ! Comme il lui paraissait soumis à force de l’aimer !

— Oui, mais, se redisait-elle dans sa casuistique implacable, comme il m’a soumise à lui ! Quelle volonté puis-je avoir désormais ? Où est la Marceline d’autrefois ?

Alors elle se reportait au temps où, seule en face d’elle-même, elle jouissait d’une vie si ample, semblait-il, d’une idée si libre. Ce qu’elle concevait, elle l’exécutait sans contrainte, sans influence. De quoi pouvait-elle être capable depuis qu’elle connaissait Jean ? et que serait-ce après l’union ? Pourrait-elle seulement penser à sa guise, ou alors, quels reproches de cette âme exigente si elle lui dérobait son esprit ?

— Je me suis laissée prendre sottement, naïvement, se disait-elle, comme mon amie Thérèse s’était laissée prendre aux séductions de son bel officier, la malheureuse ! Ce que j’avais raillé en