Page:Yver - Les Cervelines.djvu/330

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elle, je l’ai subi. J’ai connu la crédulité aux serments, j’ai connu l’enchantement aveugle. Elle m’avait conté une promenade nocturne, faite au bras de celui qu’elle aimait, et les charmes de la nuit, dans un parc, augmentant et transposant plus délicieusement encore l’amour. J’y ai passé. J’avais dit des autres : elles ont suivi le mirage ; et quand le mirage s’est présenté à moi, j’y ai donné, en me disant : c’est la vie ! Quelle femme suis-je donc ?

Puis elle reprenait aussitôt :

— Mais il m’aime trop ; je n’aurai jamais le courage de le briser.

Le lendemain, elle reçut un mot de Cécile.

« Vous m’avez fixé un délai de huit jours pour me dire mon sort, et vous ne voulez pas me voir d’ici là. Le mystère qui se passe en vous pendant que je ne vous vois pas m’effraye. Quelles vont être vos réflexions pendant ce temps ?… Quel en sera le résultat ? Soyez bonne, Marceline, je serai l’indigne compagnon de votre vie, mais le plus dévoué, qui ne songera qu’à vous faire la vie la plus conforme à vos goûts. »

— Ah ! se dit-elle, incrédule et mille fois plus lucide devant l’écriture de Jean que devant sa passion, je sais ce qu’il en est. Il me fait en perspective une existence mentale merveilleuse. Il me laissera, soi-disant, ce qu’ils appellent, sa mère et lui, « mes livres ». Puis la jalousie le prendra ; il me voudra toute. Est-ce que je ne connais pas la vie ? J’aurai mis dans la mienne non pas l’amour de Jean, chose douce et passagère, mais l’influence qu’il apporte avec lui — et qu’entretiennent ses