Page:Yver - Les Cervelines.djvu/34

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ce quartier une animation nocturne, et quand le grondement des voitures s’apaisa, on commença d’entendre ici le tonnerre sourd des trains, leurs sifflets, leurs appels. Cécile, encore aujourd’hui, après tant de mois, revivait dans la précision de la réalité cette nuit étrange, passée à la porte de cette chambre de femme, avec l’ignorance absolue de ce que pouvait être cette femme ; prude ou folle, vénérable ou courtisane, en tout cas mystérieuse et attirante comme une énigme.

À l’heure qu’on sortait des théâtres, une allée et venue se produisit à la porte. Le carillon de la sonnette éclata plusieurs fois, et Cécile reconnut des voix d’hommes qui s’informaient de la patiente. Il essaya de lire, mais il choisit successivement cinq ou six romans dans la bibliothèque sans rien trouver qui l’amusât. Quand madame Lebrun le fit appeler, à deux heures du matin, son opinion sur elle était faite ; il était moins gêné ; en la soignant il osa lui dire :

— Il faudra pourtant bien que ce pied-là ne soit pas déformé.

Mais elle ne sourit même pas : elle souffrait trop ; les mains jointes, elle le suppliait de lui accorder une piqûre de cocaïne. La température montait ; elle avait aux yeux des larmes de fièvre ; il éprouva un plaisir inconscient à la soulager.

Lorsque Ponard fut venu faire sa visite, le matin, ils partirent ensemble. Dans la rue, à peine eurent-ils touché le trottoir que Ponard, un grand diable sec et roux, lui dit en souriant :

— Elle est charmante, hein ? Vous ne me remerciez pas ?

— Mais si, Maître, je vous remercie ; seulement