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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/35

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cette belle dame : vous aura sans doute moins de reconnaissance que moi.

— Comment donc, mon cher ? Elle vous a trouvé délicieux et parfait.

— Qui est-ce ? demanda Cécile en rougissant.

— Qui est-ce ? avais-je donc oublié de vous le dire ? Mais c’est Pierre Fifre, l’auteur de « Paysans », de « Madeleine-Capucine », vous savez bien, l’année dernière, à l’Odéon, ce succès…

— Une femme ? Pierre Fifre ?

— Tiens ! et laquelle encore ! Pauvre petite ! Quel dommage de la voir massacrée. Comme cela. C’est qu’elle n’a que son talent pour vivre. C’est l’épouse divorcée d’un grand banquier d’ici ; il ne lui donne pas ça, c’est honteux ; elle a horreur des procès, alors elle trime ; l’argent sort par les fenêtres et rentre par la ponte ; elle vous gagne ça comme un homme, en quelques traits de plume.

— C’est luxueux chez elle, hasarda Cécile.

— Oh ! luxueux ! fleuri plutôt. Ses amis, savent comme elle aime les roses, et grâce à eux cela foisonne chez elle. Car on l’adore, vous savez ; ses amis, hommes et femmes, raffolent d’elle ; elle est leur amie gâtée. Elle est si bonne et si… haute dans son malheur, et si brave contre le sort.

Pendant plusieurs jours après ce dialogue, Cécile demeura gêné par le seul souvenir de cette jeune femme qu’il avait méconnue. Il se rappelait sans cesse, honteux et dépité, le geste qu’il avait eu pour soutenir son pied souffrant, en lui disant désinvoltement : « Il faudra pourtant bien que ce pied-là ne soit pas déformé. » Cette galanterie bête et sans façon, s’adressant à cette femme de valeur, à cette respectable femme, le couvrait