Page:Yver - Les Cervelines.djvu/341

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boulevard, où on lui faisait la même réponse : « Mademoiselle n’est pas encore rentrée. » Chez lui il passait son temps à son bureau, la tête dans les mains, ayant devant lui la lettre. Il la savait par cœur ; il en vint à en suivre l’enchaînement d’idées comme s’il l’avait conçue lui-même. Le cas de Marceline s’élucidait aussi pour lui. Il finit par voir, sans fausse interprétation, l’âme même, simple à l’extrême, de cette femme chez qui la raison maîtrisait le cœur, mais ne l’excluait pas.

Le dimanche qui suivit, lorsque, comme tous les matins, il se présenta chez Marceline, on lui dit « Mademoiselle est revenue hier soir, veuillez entrer. »

Elle vint à lui un instant après, un peu lassée par le voyage, pâlie, lui sembla-t-il, et quelque chose de changé dans son regard vers lui, comme si d’invisibles portes se fussent fermées sur son âme, si tranquillement expansive autrefois.

— Vous avez tenu à revenir, monsieur Cécile, lui dit-elle tristement ; vous avez voulu qu’il y eût entre nous ce qu’on appelle une scène. Est-ce que vous n’avez pas compris tout ce que je vous expliquais si simplement ? Que pouvons-nous discuter ?

— Marceline, dites-moi que ce n’est pas vrai ; je ne puis pas croire… bégaya-t-il.

— C’est fatalement vrai, reprit-elle, les yeux à terre. Je me demande maintenant quel aveuglement a pu me saisir, moi si prévenue, si défiante… Véritablement, quand je reporte ma pensée à ces trois dernières semaines, je suis terrifiée d’avoir pu me montrer si différente de moi, si