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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/345

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je suis venu me plaindre, parce que je souffre, et me plaindre au cœur même qui me fait souffrir. Quand je vous ai demandé de briser votre vie pour un pauvre être comme moi, je ne sais quelle ridicule prétention m’a poussé ; j’étais fou ; la condition que je vous posais était absurde. Mais je ne demande plus rien de votre liberté, ni de votre gloire, ni de votre vie mentale. Je vous le disais hier, je n’étais pas digne de vous. Seulement laissez-moi vous aimer.

— Que voulez-vous dire, monsieur Cécile ?…

— Je veux dire que je n’ai pas le droit de faire votre malheur, mais que votre cœur indépendant et bon peut encore me donner le bonheur. Laissez-moi continuer, d’être votre ami…

Il se tut. La froideur et la réserve qu’il avait gardées jusqu’ici n’avaient pas trompé Marceline. Elle le reconnaissait, délicat dans son chagrin comme il l’avait été dans son amour ; mais elle n’ignorait pas, quand il parlait de cette voix sourde et lente qu’une oreille aux aguets dans la pièce voisine n’aurait pu entendre, elle n’ignorait pas en quels sursauts battait son cœur. Elle lisait en lui, cruellement attristée, mais déterminée sans retour. Lorsqu’il eut hasardé cette idée qu’il n’osait rendre précise, d’un amour vague, secrètement continué entre eux, elle le comprit à demi. Elle était bien de ces personnes à qui un homme peut offrir une passion de cette sorte, équivoque et pâle, passion spirituelle aux perspectives incertaines ; il devait croire par là la toucher. Son intelligente loyauté, si puissante, déjoua la ruse.

— Il n’y a pas d’amour valable, vous me com-