Page:Yver - Les Cervelines.djvu/347

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faisons inutilement du mal l’un à l’autre. Nous nous sommes expliqués et nous nous sommes compris ; il ne nous reste plus rien à dire. Vous avez du chagrin, moi aussi. Mais il le faut. On oublie vite, vous savez. Dites, n’est-ce pas vrai ce que je vous ai écrit ? N’y a-t-il pas déjà bien des tombeaux dans votre cœur ? Il y en aura quelque jour un de plus ; et vous serez bien étonné d’y voir écrit « Marceline Rhonans », en vous disant : comme elle avait raison ! comme c’est déjà loin et comme je suis consolé ! Ce jour-là vous irez trouver votre mère pour lui dire : « Maman, vous qui me connaissez mieux que personne et qui avez des yeux mystérieux pour me regarder dans l’âme, cherchez-moi la compagne qu’il me faut ; mariez-moi comme c’est l’usage chez nous que les mères fassent. » Vous verrez, mon ami, ce sera délicieux.

Il fermait les yeux quand elle parlait et revoyait Eugénie Lebrun dont l’image s’estompait dans le passé, et la petite Blanche Bassaing qui l’attendait poétiquement au seuil de l’avenir, lui souriant de son regard délicat de myope filtrant sous les cils blonds…

— Disons-nous adieu, monsieur Cécile, reprit Marceline qui se leva et vint à lui. Nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Nous nous sommes rencontrés par mégarde, nous aurons cheminé ensemble un peu de temps, puis nous serons retournés chacun à nos affaires ; le souvenir restera joli, n’est-ce pas ? Je ne veux pas que vous me quittiez sur une impression de rancune ou de colère… Dites-moi que vous me pardonnez, que vous ne m’en voulez pas ?