Page:Yver - Les Cervelines.djvu/39

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lui dire que je l’aime, ce qui serait ridicule de ma part.

À sept heures, quand il sonna rue de la Pépinière, elle accourut à lui dès l’antichambre. Elle avait une robe de soie rouge, légèrement excentrique, et elle s’était amusée, par originalité plutôt que par pose, à se tailler dans les cheveux des papillotes d’aïeule, qui tombaient en spirales blondes, bougeantes, dansantes sur la peau rose de ses joues. Elle prenait un air courroucé, avec un fond de contentement secret qui éclatait malgré tout ; elle s’écria :

— Comme vous m’avez fâchée ! Moi qui vous invitais avec tant de sans façon ; m’envoyer cette montagne de fleurs comme à une princesse ! Cela n’a pas le sens commun.

— Je croyais que vous aimiez les roses, madame, dit-il gauchement.

— Je les adore. Il y a des hommes qui ont la passion de boire, moi je les bois avec mes narines, avec mes yeux, avec mes doigts, j’ai la passion de l’esprit de rose.

— Alors il n’y en avait pas trop, reprit Cécile en pénétrant avec elle dans le salon.

Ponard était là, avec une amie de Pierre Fifre, une artiste peintre un peu connue, à laquelle la maîtresse de maison présenta Cécile comme un jeune médecin de grand avenir. Il se sentit de suite dans un petit temple de célébrité où personne n’accédait qu’en vertu d’une notoriété quelconque, où l’on faisait argent de la moindre réputation, où l’on escomptait la renommée au plus petit talent, où rien ne valait que par l’illus-