Page:Yver - Les Cervelines.djvu/40

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tration. Et il pensa au magasin de ses parents à Briois.

Les deux jeunes femmes, avec Ponard, échangèrent des aphorismes ; on mit sur le terrain des questions de morale médicale, les grands cas de conscience du médecin, tout ce que les gens de lettres aiment à voir dans un métier sous le nom de devoir professionnel ; ce qu’ils y voient uniquement souvent, compliqués et mal au point comme ils sont. Cécile se taisait. Il causait toujours fort peu, et, ce soir, il y avait dans la conversation quelque chose d’un peu factice où il ne pouvait pas entrer, lui qui avait toujours simplement envisagé son métier comme un moyen intéressant de gagner de l’argent en faisant de la science.

Là où il se trouvait, on ne prit pas son silence pour de l’incapacité. Il avait une physionomie réellement étrange qui lui prêtait un air artiste ; le bleu de ses prunelles pensives y aidait en grande part.

— Oh ! concluait la romancière en le regardant avec un demi-sourire, monsieur Cécile en pense là-dessus plus long qu’il ne veut dire.

Et il avait beau se défendre d’opinions extraordinaires et secrètes, s’avouer incompétent dans cette casuistique bizarre, on interprétait toujours son abstention comme une supériorité de pensée, ce qui est souvent le triomphe des silencieux. Intelligent, il l’était extrêmement. Il possédait non seulement une intelligence passive d’homme studieux se nourrissant de livres et s’en rassasiant ; il avait dans l’esprit une activité personnelle, la constante inquiétude qui fait naître l’ob-