Page:Yver - Les Cervelines.djvu/41

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servation, le jugement, les idées. Mais c’était une intelligence saine et normale, privée de la fièvre artiste qui crée, et du sens poétique qui déplace l’axe des choses. C’était un être délicat, mais parfaitement équilibré, donnant à sa personne physique ce qu’elle demandait, et cultivant l’autre pareillement. Il se laissait aller vers cette femme qui surgissait dans sa vie, par un entraînement réfléchi, voulant courir la chance de se faire aimer d’elle qui était libre ; libre de cœur, il le savait libre dans la loi, libre dans sa conscience, ayant repoussé, paraissait-il, les règles religieuses.

Quand il la revit, seule cette fois, chez elle, en visite, dans le petit salon où les fleurs qu’il lui avait données achevaient de se flétrir, ternies et collées en une masse blanchâtre, sale, elle lui dit :

— Vous, monsieur Cécile, vous êtes un rêveur.

Elle le regardait complaisamment, contente d’avoir chez elle, sous sa main, ce garçon sympathique qui lui faisait timidement la cour, et dont elle allait pouvoir explorer à l’aise l’intellect intéressant. Mais Cécile, loyalement, voulait se faire connaître mieux, s’expliquer à elle.

— Je ne suis pas un rêveur, loin de là, je ne sais pas rêver. Je vois les choses telles qu’elles sont. J’ai fait trop d’autopsies ; un médecin est bien trop clairvoyant, après son école dans le réalisme de la chair humaine, pour avoir conservé cette sorte de naïveté dont le rêve doit être nourri, j’imagine. Les mots mêmes se sont dépouillés pour lui de leur mélodie conventionnelle, de l’esprit irréel dont vous les animez. Ainsi, là