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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/42

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où vous dites le cœur d’un homme, avec un sens d’affectivité et de noblesse, nous autres, nous voyons le viscère…

Il n’avait jamais tant parlé devant elle ; cette première phrase enchanta la jeune femme. Exultant, ses grands yeux clairs et rieurs victorieux, elle reprenait en battant des mains, pendant que les papillotes frêles dansaient sur ses tempes :

— Voyez si vous n’êtes pas un rêveur : âpre, triste, rude, mais un rêveur vrai pour parler de la sorte.

Elle ne devait pas en démordre tout le temps qu’ils se connurent, car bientôt ils se lièrent. Elle sentait trop, sans le définir strictement, le culte qu’il lui vouait, pour ne pas s’approcher de lui d’instinct. Dans le nombre de ses camarades, cela fit, un de plus. Elle l’invitait souvent aux petits repas intimes qu’elle donnait à trois ou quatre : amis seulement par groupes de sélection. Il rencontra là une dizaine d’hommes appartenant pour la plupart au monde de la presse, et un plus grand nombre de femmes, car bien qu’elle se familiarisât très vite avec n’importe qui, la romancière, Eugénie Lebrun, comme on l’appelait dans la vie privée, réservait ses préférences, le véritable don de son âme aux amitiés féminines. Les hommes n’étaient jamais, à proprement parler, pour elle, que des visiteurs, À l’approcher de près, pendant, une année, à l’étudier, à la connaître un peu plus, chaque jour, Cécile s’attachait passionnément à cette femme qu’on ne pouvait voir sans aimer. Ponard avait dit vrai : ses amis raffolaient d’elle. D’abord, elle était souverainement franche, mettant à avouer