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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/43

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ses sentiments, bons ou mauvais, cet amour de la vérité et cette analyse qui avaient fait d’elle un auteur féminin si spécial. Elle aurait détesté une camaraderie basée sur un jugement faux, sur une admiration outrée de sa personne. Puis, ce qui était délicieux en elle, c’était sa bonté dévouée et tendre. Cécile sut bientôt comment elle partageait son temps de cinq à sept on la voyait recevoir, et ses hôtes la quittaient de bonne heure, le soir, avertis qu’elle gardait une partie de la nuit pour le travail. Son après-midi était prise pour des emplettes ou des visites ; mais les matinées de cette créature d’énergie et d’activité ?

Ses matinées étaient employées à des démarches, à des suppliques dont la chargeait sans trêve la classe des femmes laborieuses qu’elle aimait tant aider. Elle en connaissait par centaines qui venaient processionner chaque matin à sa porte actrices en quête d’engagements, professeurs cherchant des cachets, chanteuses demandant l’aumône d’un concert où se faire entendre, employées de l’État la sachant bien avec un ministre, petites débutantes de lettres apportant leurs manuscrits recopiés en belle ronde ; jamais, jamais elle ne se lassait de les recevoir, de leur sourire, de les encourager. Elle les aimait toutes, parce qu’elles étaient faibles, parce qu’elles étaient femmes ; elle leur promettait les recommandations qu’elle donnait toujours de sa personne ; elle les réconfortait avec de l’espérance, elle les reconduisait à la porte elle-même, en les embrassant quand c’étaient des jeunes filles, et le lendemain il en revenait davantage, comme il en