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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/52

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la demande en mariage au nom de son élève, en l’avenir duquel il avait d’ailleurs foi. Elle n’accepta pas ; elle ne pouvait pas accepter, possédant de la vie tous les agréments, heureuse, fêtée, absorbée par son art, et libre. Le mariage ne pouvait rien ajouter à son bonheur, mais il était seulement un moyen de le détruire. Elle répondit par ces phrases « Ce petit Cécile est vraiment un charmant homme. Je l’estime autant que possible et j’ai pour lui un très vif attachement ; mais qu’il ne s’entête donc plus dans le genre romanesque. Je l’aime mille fois mieux laconique et glacial, comme aux premiers temps de notre connaissance. Je suis peinée d’avoir à lui causer un chagrin, mais vous savez avec moi, mon cher docteur, que ce genre de tourment n’est pas éternel. Veuillez donc lui faire connaître que je ne me remarierai pas… et qu’il m’est profondément sympathique. »

Elle continua d’être gaie, de porter son âme rieuse dans son corps magnifique, qui paraissait à ce moment refleurir de jeunesse. Elle eut cette année-là un très retentissant succès avec son roman Les Chevilles. L’amour y foisonnait, y ruisselait, y débordait. L’état d’esprit de l’époque s’entendait à déchiffrer l’énigme du titre : Les Chevilles. On savait de quoi il s’agissait, ce que sont les chevilles au théâtre pour l’auteur d’une pièce, ce qu’elles doivent être dans la vie passionnelle d’un homme. L’œuvre était d’une écriture alerte, pimpante. À point, quelques journaux illustrés dévoilèrent le portrait de l’auteur que le gros public persistait à croire Pierre Fifre, selon l’état civil. Elle avait été photographiée dans sa