Page:Yver - Les Cervelines.djvu/53

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robe rouge, légèrement tapageuse, avec les papillotes estompées aux tempes, les lèvres ouvertes et riantes sur les dents. Elle fut irrévocablement fixée ainsi dans l’esprit des lecteurs, qui revoyaient bien sous ces traits de belle blonde, saine et joyeuse, la romancière divertissante et simple qu’elle était.

Jean Cécile vit tout cela ; il assista, pendant qu’il se consumait devant elle, à cette prise de possession par le public de la femme qu’il aimait. Il la vit grisée de gloire, occupée des critiques, relisant son livre, le refaisant en pensée, l’analysant, y concevant la substance d’une œuvre nouvelle, plus forte, plus parfaite. Il lui reprocha un jour de s’intéresser si peu à lui au milieu de ce brouhaha. Elle répondit :

— Je vous associe à ma vie dans le sens qui me plaît. Pourquoi vous plaignez-vous ? Je vous fais le témoin de ma véritable existence. Voudriez-vous que je vous traite en étranger ?

Elle avait raison, il n’eut rien à objecter.

Une autre fois, devant elle, il ne put retenir des larmes de colère, de dépit et aussi de passion. Elle vit ces larmes, s’en émut, et articula enfin cette pensée inexorable qui faisait le fond de tous ses discours au jeune homme depuis des mois :

— Mon pauvre Cécile, vous savez pourtant bien que cela passera.

Il finit par s’aigrir, par la prendre, à force de l’aimer vainement, en abomination. Il n’allait plus que rarement rue de la Pépinière. La fin fut dramatique ; il y eut une scène entre eux. Son calme bonheur l’exaspérait trop. Cela vint à propos de rien ; à propos de très jolis vers gais qu’elle avait