Page:Yver - Les Cervelines.djvu/54

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écrits pour un journal quotidien et qu’elle lui fit lire avant de les envoyer à la composition.

— Votre joie de vivre m’offense, lui dit-il en repoussant vers elle le manuscrit quand il en eut fini la lecture. Vous êtes heureuse, c’est votre droit ; mais vous avez une manière insolente de l’être vis-à-vis de moi, moi qui souffre par vous.

— Oh ! je vous en prie ! fit-elle avec une moue en l’arrêtant de la main, je vous en prie, mon cher Cécile, n’entrons pas dans ce sujet ; parlez-moi d’autre chose.

— Je ne puis pas parler d’autre chose aujourd’hui, il faut que cela finisse ; il me faut savoir si vous tenez un peu à moi, si je suis moins pour vous que le premier lecteur venu à qui vous offrez les coquetteries de votre esprit, si mon sort vous occupe encore faiblement, car mon sort va se décider.

— Quand cela ?

— Ce soir.

— À propos de quoi ?

— À propos de vous, par vous ; ce n’est pas vivre que mener l’existence à laquelle vous m’avez réduit, j’y renonce, je veux savoir aujourd’hui même, maintenant, si vous comptez me renfermer éternellement dans ce rôle ridicule d’ami amoureux que vous m’avez imposé. Car dans ce cas, je dois vous le dire, je vous ferais mon dernier aveu d’amour et je partirais. Répondez-moi, mais répondez-moi !

Elle allait et venait dans le salon, semblant l’écouter distraitement. Elle portait une robe d’intérieur, d’étoffe mauve, qui traînait. Elle se dressait aux murailles pour dessiner des plis de