Page:Yver - Les Cervelines.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Alors, pour une illusion d’illusion, comme vous dites, vous sacrifiez la réalité d’être entourée, fêtée d’un amour comme le mien qui est quelque chose d’indicible…

— Je suis une solitaire.

Il la regardait à ce moment avec une vraie haine. Son talent étincelait dans l’ostensoir vivant de sa personne ; ses yeux spirituels, sa lèvre en sa mobilité, les mouvements menus de ses boucles, son geste, tout cela n’était que l’expression de sa mentalité puissante. Tranquille, à peine remuée cérébralement d’une petite émotion de pitié qu’elle notait pour le prochain besoin littéraire, elle le martyrisait, elle le tuait, sans perdre une période de sa phrase longue, coupée d’un rythme à peu près régulier, en quatre ou cinq propositions graduées par mots, — ce qui était son style d’écrivain Elle lui parut un monstre, une erreur de la nature, cette femme à cervelle hypertrophiée, dont les œuvres faisaient le délice d’une élite d’hommes, dont le Paris intellectuel raffolait ; penseuse virile, créature d’art, chose d’esprit dont tout l’être tenait entre les deux pariétaux. Et sans doute, ce qu’il pensait d’elle alors, elle en eut l’intuition, car elle s’humanisa. Elle tenait à Cécile qui lui procurait mille jouissances féminines, elle tenait à lui pour son intelligence, pour son caractère d’homme qui lui plaisait, pour l’attrait physique de sa personne auquel, demi-femme, elle n’était pas entièrement insensible, et surtout pour cet amour qu’elle dédaignait en s’en repaissant. Car ce lui était encore la meilleure gloire de tout, quoi qu’elle en dît, au milieu de son triomphe cérébral, que ce triomphe corporel de sa grâce. Un