Page:Yver - Les Cervelines.djvu/79

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La nerveuse et fine, et intuitive Marceline, dont l’esprit contenait dix fois celui de son amie, reprit seulement :

— Non, cela ne se démontre pas.

Et pendant qu’elle se taisait, une ardeur passait sur ses yeux, pareille à ce qui se passe dans la flamme qu’on avive. Elle connaissait depuis peu. la joie désirée de tant d’hommes, la joie cherchée, demandée et si souvent refusée : posséder Dieu. Sa pensée et son cœur s’en repaissaient continuellement, comme d’une viande dont on fut longtemps sevré. Sa conviction était née en elle, toute seule, sans la fécondation d’aucune idée venue du dehors, sans discussion, sans preuves. Telle est la foi. Mais aussi, ne se souciait-elle pas d’expliquer à Jeanne Bœrk cette opération mystérieuse. Elle se contenta de préciser par cette comparaison qui prenait dans sa bouche une sorte de magnificence :

— C’est comme l’amour.

Elles étaient faites toutes deux de telle façon que la plupart du temps, quand Marceline parlait, Jeanne Bœrk n’entendait qu’une fraction de sa pensée ; ainsi en fut-il à ce mot où la jeune femme exprimait la nature de cet ordre de vérité.

— Oui, l’amour ne s’explique pas non plus, continua l’étudiante ; ainsi Tisserel, vous savez qu’il est toujours amoureux de moi.

— Vrai ?

— Sans se lasser, ma chère, et de plus en plus, je crois bien. Ça se voit à je ne sais quoi, quand il tourne autour de moi pendant la visite, quand il parle, alors qu’il devrait regarder ses élèves et