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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/84

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scènes vagues, estompées, imprécises, qu’elle créait avec peine, d’après quelques descriptions sur ses livres. Rome et les Latins n’étaient pas assez énigmatiques pour l’avoir séduite ; mais c’étaient Sparte, la Phénicie obscure, la Perse aux arts opulents : Les abrégés qu’on lui donnait à lire n’avaient fait avec leur concision, qu’exciter sa faim de connaître, évoquer des visions plus chatoyantes. Elle se mit à rêver, la nuit, à de puissantes Lacédémoniennes, voilées de blanc, errant dans les palais à colonnes dont sa petite Histoire grecque lui montrait en image, les ruines. À onze ans, dans le même jardin qui était toujours le théâtre de ses songeries, elle creusa obstinément la terre pendant de longs jours, dans un but archéologique. C’étaient en elle des imaginations sans consistance, indéfinissables ; préludant à ce qu’elle devait concevoir à quinze ans : le désir précis d’étudier l’antiquité. Alors, sa fièvre se résolut en travail. Elle posa, dès ce moment, avec sa précoce intelligence, les bases de ses études projetées, et se fit apprendre les langues mortes. Ses parents, qui ne pouvaient lui réserver la moindre petite dot, s’effrayaient pour tant de ce grand labeur sans nécessité ! À dix-sept ans, c’était une enfant délicieuse, d’un aspect très méridional, le visage doré, les yeux câlins, gris clair sous des boucles brunes : elle était de celles à qui l’on prédit, dès cet âge, que les épouseurs abonderont. Elle séduisait : extrêmement tous les hommes qui l’approchaient et ses parents, malgré la modestie de leur fortune, étaient tranquilles sur son avenir, quand elle déclara vouloir entrer dans l’enseignement. Ce fut un éclat